La réalisatrice Eva Ionesco regrette avoir blessé au couteau son mari écrivain Simon Liberati dans leur maison de campagne à Longpont

Titre : La réalisatrice Eva Ionesco regrette avoir blessé au couteau son mari écrivain Simon Liberati dans leur maison de campagne à Longpont

«Pourvu qu’elle me tue plutôt que je ne la perde.» Ce sont les mots de Simon Liberati dans son roman Eva, dédié à celle qui partage sa vie depuis neuf ans. Une phrase presque «prophétique» selon l’avocat de l’écrivain, blessé au couteau par sa femme Eva Ionesco, dans la nuit du 15 au 16 février 2021. 

Ce soir-là, peu avant minuit, une dispute conjugale a dégénéré dans la maison de campagne du couple à Longpont, près de Soissons, au point que la réalisatrice et auteur s’est saisie d’un couteau à pain d’une lame de trente centimètres, avec lequel elle a touché son mari à la main, alors qu’il se protégeait le visage. Des faits qualifiés de « violence aggravée » par trois circonstances, étant la conjointe, avec une arme et en état d’ébriété, son taux d’alcool relevé étant de 0,51mg par litre d’air expiré. Simon Liberati a subi une incapacité totale de travail de trois jours. 

Lundi 23 mai, alors que le procès avait été renvoyé à plusieurs reprises, les deux époux se sont retrouvés à la barre du tribunal de Soissons. «J’ai honte, j’aurais jamais du faire ça, je regrette…» déclare d’emblée Eva Ionesco, 57 ans, domiciliée dans le 18ème arrondissement de Paris.

Les gendarmes débarquent dans la maison de campagne du couple vers minuit, place de l’abbaye à Longpont, appelés par Eva Ionesco. Ils tombent sur elle, assise dans la salle à manger. «On s’est disputé» dit-elle. Il y a des traces de sang, des bouteilles d’alcool sur la table… Tous deux ont bu. 

Simon Liberati explique aux gendarmes qu’il est question de divorce. L’incompréhension entre les concubins grandit dans cette maison de campagne, censée les inspirer artistiquement.

Ce soir-là, la dispute est partie d’une discussion à propos du fils d’Eva, dont elle a pris le parti, avant de monter à l’étage puis de redescendre. Les deux époux se sont bousculés mutuellement, mais Eva Ionesco, dans un deuxième temps, s’est emparée du couteau à pain, touchant deux fois Simon Liberati à la main gauche. «Ce n’est pas la première dispute avec des violences, dit-il, évoquant le 2 décembre 2020. Elle m’a poursuivie avec la hache après avoir brûlé des livres. Je suis également victime de violences psychologiques. Elle voulait appeler mes parents pour leur dire que je bois où que je prends de la drogue.»

Eva Ionesco soupçonnait une histoire entre son mari et l’ex-copine de son fils : «Il voulait faire venir l’ex-fiancée de mon fils. Je lui ai dit « non, ne la fais pas venir ». Il m’a dit « j’en ai rien à foutre de ton fils ». Monsieur Liberati sait appuyer là où ça fait mal. Il m’a poussée, je l’ai poussée. Il a mis à fond la musique. C’était les Lacs du Connemara. Je l’ai frappé, je l’ai laissé tomber. Je me suis excusé. Oui, je l’insultais, mais avec lui, c’est la surenchère de la violence, de manière diabolique. Il me traitait de connasse, de salope… J’ai pris le couteau à pain. Après, je lui ai dit pardon.» Elle dresse le portrait d’un conjoint fasciné par la violence : «Il en parle souvent dans ses romans. Je suis anxieuse parce qu’il me parle quotidiennement de la mort, de serial killers… Ça, plus la crise sanitaire… Je buvais deux ou trois verres d’alcool et je prenais du Lexomil.»

«Quinze mois après, savez-vous pourquoi vous avez utilisé un couteau ?» demande la présidente. «J’ai eu peur, dit la prévenue. C’est normal que j’aie pris la défense de mon fils. J’étais désespérée par leur séparation. Il a dit des choses désagréables sur mon fils.» «C’est votre procès, aujourd’hui, madame…» rappelle le tribunal, tandis que son avocat maître Jean-Baptiste Boué-Diacquenod lui souffle un «Eva…» apaisant quand elle va au-delà des questions posées.

Elle dit avoir retrouvé de la sérénité, en quittant ce contexte, et «ne plus avoir peur» : «J’ai reçu des menaces de la part d’autres personnes, en lien avec cette procédure. Je n’ai pas à être menacée. J’estime être respectable.»

Pense-t-elle avoir un problème d’alcool ? «Non, j’étais anxieuse à ce moment-là, et puis monsieur se drogue.» «Eva… c’est de vous qu’on parle», souffle  à nouveau l’avocat de la défense. «Je bois deux ou trois verres par jour, pour me détendre» dit la prévenue qui s’est soumise à des analyses au cours de son contrôle judiciaire.

«Je ne crois pas que l’alcool soit le problème, considère Simon Liberati. J’ai passé l’après-midi à corriger son livre en cours. Il y a eu deux verres de vodka vers 18h. Mais elle a des capacités d’emportement très forts. A force, je ne m’en rendais plus compte. On vivait dans une atmosphère virulente. Le jour de l’attaque, je me suis mis en boule pour ne pas répondre. C’est elle qui a appelé la police. Je lui ai dit de ne pas le faire pour la protéger. Mais les faits étaient plus graves que je ne le pensais. Il y a eu une spirale… Je n’ai jamais frappé Eva. J’ai été menaçant verbalement.» Les plaintes de son ex-femme pour violences psychologiques ont été classées. «J’étais sous une forme d’emprise. C’était peut-être réciproque, admet-il. Mais aujourd’hui, j’attends de cette audience de retrouver du calme. Je ne souhaite plus avoir de contact avec Eva. Le divorce est en cours.»

Propriétaire de son logement, Eva Ionesco dit toucher 2500€ par mois, pour 1700€ de charges. L’expert psychologue note une enfance difficile, qui a fait un procès à sa mère photographe pour l’avoir fait poser nue quand elle était enfant. Aujourd’hui, Eva Ionesco se dit inquiète que Simon Liberati évoque la procédure de divorce dans un prochain livre sans son accord.

Le procureur tient à clarifier les regrets de la prévenue qui finit par dire les mots qu’on attend d’elle. «Je regrette car je me trouve dans cette situation-la, c’est honteux…» dit-elle d’abord, puis corrige : «Ce qui est honteux, c’est le comportement de nous deux.» Avant de conclure : «Je regrette mes actes, d’avoir blessé monsieur. Je suis contre les armes. Je lui demande pardon.»

L’avocat de Simon Liberati demande 4000€ de préjudice moral pour son client : «Ç’aurait pu être les assises. On a deux personnalités hautes en couleur. Lui savait qu’il avait épousé une femme qui avait trop souffert et elle savait qu’elle était avec un écrivain torturé, pessimiste… Mais en aucun cas il n’a franchi la ligne rouge. Le mode opératoire est très impressionnant, avec ce couteau levé à hauteur du visage, et ce geste de défense de la main. Elle se retranche systématiquement derrière le contexte. L’histoire de l’ex-compagne du fils avec mon client, ça n’existait pas. Cette relation existe aujourd’hui. Il ne s’en cache pas et ce n’est pas devant le tribunal correctionnel de Soissons que ça doit se juger. Il a pris conscience tardivement qu’il était victime de violence. Il n’a jamais porté plainte contre elle. La fragilité de madame est manifeste. Cette tension est dangereuse pour M. Liberati. C’est pour ça qu’il demande une mesure d’éloignement. Il a peur. Il veut vivre sereinement à Longpont.» Outre les 4000€ moral de préjudice moral, il demande 2000€ de frais d’avocat.

Le procureur évoque une dispute familiale sur fond d’alcool : «On n’est pas là pour juger de ce que monsieur Liberati a fait avec l’ex-compagne du fils de Mme Ionesco. L’excès de colère est peut-être justifié, mais pas les violences. Quand bien même le comportement de Liberati a pu mettre Mme Ionesco dans tous ses états. Effectivement, il a le don d’aller la toucher là où ça fait mal. Les violences conjugales avec arme aboutissent souvent à des décès, y compris chez les hommes. 23 hommes sont morts en 2020 des coups portés par leur femme. Cela dit, trois jours d’incapacité totale de travail, ça reste raisonnable. La peine doit prendre en compte la personnalité de madame et le contexte global. Monsieur n’est pas un enfant de chœur et la pousse sur ses faiblesses. Son casier est vierge. Pour l’alcool, elle est dans le déni : « je bois tous les jours, ça me détend. »» Elle requiert une peine d’avertissement, soit douze mois avec sursis probatoire, avec obligation de soins psychologiques et addictologiques, avec interdiction de contact et de paraître au domicile de Simon Liberati, qu’elle doit indemniser. Elle a interdiction de porter une arme pendant cinq ans.

L’avocat de la défense maître Jean-Baptiste Boué-Diacquenod pointe l’incompréhension de sa cliente, de se retrouver à la barre, alors qu’elle a porté plainte pour violences psychologiques, classée sans suite : «Le comportement de M. Liberati est peut-être condamnable moralement mais pas pénalement. Les faits sont reconnus et auto-dénoncés, ils ne sont pas justifiés mais expliqués. Il faut prononcer un sursis probatoire, avec interdiction de contact. En revanche, le quantum de douze mois me paraît sévère, vu son casier vierge et sa fragilité psychologique. Il ne faut pas avoir une conception bourgeoise de la consommation d’alcool. Sa consommation n’est pas problématique. Elle ne comprend pas qu’on lui dise qu’elle ne peut pas prendre trois verres de vin le soir. Elle ne se considère pas comme alcoolique.»

«Au regard de son parcours de vie», le tribunal la condamne à dix mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans, avec obligation de soins psychologiques et addictologiques, interdiction de contact et de domicile de Simon Liberati, à qui elle doit verser 750€ moral et 1250€ de frais d’avocat.

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